Fiche technique Mycoagra: Mesure du taux de mycorhization

Cette fiche présente une technique d’évaluation du taux de mycorhization de racines à partir d’une coloration permettant d’observer au microscope des structures fongiques (arbuscules, hyphes, vésicules).

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Fiche technique -Taux de mycorhizes

Fiche technique Mycoagra: Mesure du taux de mycorhization

1. Rôle écologique de l’organisme visé

En milieu naturel, les plantes sont associées à des communautés microbiennes très denses autour de leur racine (Garbaye, 2013). Si les bactéries constituent de loin la plus grande diversité d’espèces dans ces communautés microbiennes, les champignons sont aussi très présents.

Ainsi un gramme de sol naturel contiendrait près de 200 mètres d’hyphes fongiques (Leake et al. 2004). Parmi ceux-ci, plusieurs mètres sont constitués d’hyphes de champignons symbiotiques des plantes. Ces champignons symbiotiques sont associés aux racines des plantes pour former des mycorhizes (« myco » pour champignon et « rhize » pour racine). Les mycorhizes sont les symbioses végétales les plus répandues dans les écosystèmes naturels ou cultivés (Smith & Read, 2008). L’interaction entre la plante et le champignon se traduit par la mise en place d’un réseau d’hyphes extramatriciel qui augmente la surface d’absorption de l’eau et de nutriments (ex. P, N) des racines.
Les endomycorhizes (du grec endon : à l’intérieur) constituent le type de mycorhize le plus répandu et le plus ancien remontant à la première apparition des plantes terrestres il y a environ 450 millions d’années (Redecker et al. 2000). Ces champignons sont des symbiotes obligatoires non cultivables en l’absence de la plante-hôte. Un très grand nombre d’espèces sont capables d’interagir avec les champignons mycorhiziens à arbuscules (CMA) notamment les Bryophytes, les Lycopodes, les Monilophytes, les Gymnospermes et les Angiospermes (Wang & Qiu, 2006). Le champignon colonise la racine avec son mycélium en formant des organes de réserves (vésicules), des organes d’échanges (arbuscules) et des hyphes et des spores dans le sol. La colonisation des racines de plantes s’effectue à partir des propagules fongiques présentes dans le sol.
Cette fiche décrit une technique de coloration permettant d’observer au microscope des structures fongiques (arbuscules, hyphes, vésicules) dans des racines de plante. Après observation histologique des CMA dans les racines colorées, il est de plus possible d’estimer le taux de mycorhization de la plante en tant que paramètre biologique du sol.

2. Mode opératoire

2.1.Prélèvement de racines

Les prélèvements de monolithe de sol sont réalisés sur une profondeur de 10 à 15 cm avec l’intégralité du plant et de son système racinaire (plantes annuelles cultivées) et/ou à proximité de la plante étudiée : directement sous celle-ci, dans le sol rhizosphérique, ou bien, dans le cas des arbres et des arbustes, en plusieurs points à différentes distances du pied ou de la base du tronc (Cf. Fiche technique : Prélèvement des échantillons).

2.2.Lavage et séparation des racines

Les racines échantillonnées sont soigneusement rincées à grande eau afin d’éliminer les particules de sol. Elles doivent être maintenues en permanence dans l’eau afin de séparer les plus fines des plus grosses à l’aide de ciseaux ou de pinces. Les racines fines peuvent être coupées en morceaux de 2 à 3 cm de longueur (afin de faciliter leur manipulation ultérieure). Les racines lavées peuvent être gardées dans une chambre froide dans des pots ou dans des tubes à essai avant d’être traités ultérieurement.

2.3.Stabilisation et coloration

a) Stabilisation et décoloration avec une solution de KOH : les racines sont mises dans une solution d’hydroxyde de potassium. Les tubes contenant les racines et le KOH sont portés à ébullition pour éclaircir les tissus de la racine de manière à être transparents.
b) Coloration avec l’encre bleue pour stylo à plume : les racines sont abondamment rincées pour éliminer le KOH puis placées dans une solution d’encre bleue pour stylo à plume pour coloration. Le pigment de ce type d’encre a en effet la propriété de se fixer préférentiellement sur les parois fongiques mais cette fixation ne peut se faire qu’en milieu acide, d’où l’utilisation de vinaigre (acide acétique) pour neutraliser le KOH. Les tubes contenant les racines trempées dans la solution d’encre bleue sont mis au bain-marie.

2.4.Observation microscopique

Après la coloration, les racines peuvent être conservées dans de l’éthanol, du glycérol ou dans de l’eau déminéralisée jusqu’à leur observation. Pour chaque échantillon, des fragments fins de racines d’environ 1 cm sont montés entre lame et lamelle, écrasés dans du glycérol et observés au microscope. La présence des structures de CMA telles que les hyphes (Figures 1-2), les vésicules (Figures 3-4) et les arbuscules (Figures 5-6) dans la racine permet d’estimer le niveau de colonisation de l’échantillon de racine.

Figure 1 : Hyphes observés dans les racines du noyer (Aghyle © B. Thioye 2018)
Figure 2 : Hyphes observés dans les racines de féverole (Aghyle © B. Thioye 2018)
Figure 3 : Vésicules observées dans les racines de noyer (Aghyle © B. Thioye 2018)
Figure 4 : Vésicules observées dans les racines de féverole (Aghyle © B. Thioye 2018)
Figure 5 : Arbuscules observées dans les racines de noyer (Aghyle © B. Thioye 2018)
Figure 6 : Arbuscules observées dans les racines de féverole (Aghyle © B. Thioye 2018)

3. Quantification de la colonisation endomycorhizienne des racines

L’estimation de la colonisation des racines par les champignons mycorhiziens à arbuscules repose sur la méthode de Trouvelot et al. (1986). Ainsi, 30 fragments racinaires de 1 cm par échantillon sont examinés. Cette méthode consiste à évaluer (i) la colonisation par les champignons mycorhiziens de chaque fragment observé en lui attribuant une note entre 0 et 5 (Figure 7), (ii) l’abondance des arbuscules par fragment de A0 (pas d’arbuscule) à A3 (arbuscules abondants) (Figure 8).

Figure 7 : Notation du degré de mycorhization des fragments racinaires. L’échelle s’étend de 0 (pas de mycorhization) jusqu’à 5 (au moins 90% du fragment est mycorhizé) d’après Trouvelot et al. 1986
Figure 8 : Notation de l’abondance des arbuscules dans les fragments racinaires d’après Trouvelot et al. 1986

Au total 5 paramètres sont à calculer: F%, M%, m%, a% et A%

Fréquence de la mycorhization : F% = (nombre de fragments mycorhizés/nombre total de fragments observés) x 100

Intensité de mycorhization : M% = (95n5+70n4+30n3+5n2+n1)/(nombre total de fragments observés) où n5= nombre de fragments mycorhizés notés 5, n4= nombre de fragments notés 4, n3= nombre de fragments notés 3, n2= nombre de fragments notés 2, n1 = nombre de fragments notés 1. Ce paramètre traduit le mieux le degré de mycorhization.

Intensité de mycorhization des fragments mycorhizés : m% = M x (nombre total de fragments observés)/(nombre de fragments mycorhizés) = M x 100/F.

Intensité arbusculaire de la partie mycorhizée : a% = (100mA3+50mA2+10mA1)/100?où mA3, mA2, mA1 sont les % de m respectivement affectés des notes A3, A2, A1. Avec mA3= ((95n5A3+70n4A3+30n3A3+5n2A3+n1A3)/nombre de fragments mycorhizés)*100/m, de même pour A2 et A1.

Intensité arbusculaire dans le système radiculaire : A% = a x (M/100)

4. Intérêts et limites de l’indicateur :

Le taux de mycorhization est un indicateur de la présence de champignons mycorhiziens à arbuscules dans les racines de plantes. Il estime le pourcentage de longueurs de racines endomycorhizées. Les vésicules et les arbuscules constituent le siège des échanges symbiotiques et sont les meilleurs indicateurs de la fonctionnalité de la mycorhize observée. Toutefois, des études ont montré que la mesure du taux de mycorhization est très dépendante du milieu (type de sol, pratique de fertilisation) et de la culture (espèce, variété, niveau de prélèvement). Pour cette raison, d’autres indicateurs comme le dosage de la glomaline ou des PLFAs (acides gras phospholipidiques) pourraient être pris en compte, en plus du taux de mycorhization, pour évaluer de manière satisfaisante l’effet des pratiques sur la fertilité biologique des sols à partir de racines de plantes prélevées au champ.

 Références:

Garbaye J. (2013) Une association entre les plantes et les champignons, Editions QUAE, 280pp.

Leake J., Johnson D., Donnelly D., Muckle G., Boddy L., Read D. (2004) Networks of power and influence : the role of mycorrhizal mycelium in controlling plant communities and agroecosystem functioning. Journal of Botany 1045: 1016–1045.

Smith SE., Read DJ. (2008) Mycorrhizal Symbiosis, 3rd edn. Academic Press, London.

Redecker D., Kodner R., Graham LE. (2000) Glomalean fungi from the Ordovician. Science 289: 1920-1921.

Wang B., Qiu YL. (2006) Phylogenetic distribution and evolution of mycorrhizas in land plants. Mycorrhiza 16: 299-363.

Trouvelot A., Kough JL., Gianinazzi-Pearson V. (1986) Mesure du taux de mycorhization VA d’un système radiculaire. Recherche de methods d’estimation ayant une signification fonctionnelle. In: Gianinazi-Pearson V, Gianinazzi S (eds) Physiology and genetics aspects of mycorrhizae. INRA, Paris, pp 217-221.

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Fiche technique Mycoagra suivante: Quantification de la glomaline

Le projet Mycoagra a pour objectif de promouvoir l’intérêt des symbioses mycorhiziennes dans les pratiques agricoles.

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